•  Dernière modification : le 29 Mai 2016 

     

    Date : 18 Milrs de l’Ilnweiz 140 (équivalent des temps modernes : 18 Mars de l’année 140) 

    Lieu : El’Ruth dans le royaume Del Ruth 

      

    La jeune femme arriva devant l’auberge de « L’Aigle noir » d’un pas discret et hésitant. Vue de l’extérieur, la bâtisse n’inspirait guère confiance. Façade sombre, délabrée, usée par le temps. Deux blasons représentant des aigles qui se faisaient face ornaient encore la porte de part et d’autre. Une vieille inscription à peine lisible était sculptée au-dessus de cette dernière : Honneur, Respect, Compassion. La porte était recouverte d’éraflures et de marques causées par des armes. « Sûrement les traces de quelques échanges brutaux entre hommes de basse naissance », conclut-elle. 

    Mylédia s’était attendue à un endroit beaucoup plus fréquenté. Or, il n’y avait personne dehors, hormis elle. On n’entendait guère ce qu’il se passait à l’intérieur de chaque maison. Un silence pesant, qui contrastait avec le brouhaha provenant de l’auberge. « Elle semble coupée du temps et du monde qui l’entoure », pensa-t-elle. 

    Un frisson de peur lui parcourut le corps. Si un brigand venait à sa rencontre et la reconnaissait, elle ne donnerait pas cher de sa tête. L’obscurité et le silence ne lui seraient d’aucun secours. Elle se trouva soudainement stupide de ne pas avoir apporté une dague. « De toute façon, elle ne me servirait pas à grand-chose vu que je n’ai jamais eu de maître d’armes. Idiote que je fais ! » Elle se promit d’y remédier dès le lendemain, n’en déplaise à son père et à son mari. 

    Elle se rassura malgré tout. Elle avait eu l’intelligence d’échanger ses nobles habits contre ceux de l’une de ses servantes. La plus débraillée et la plus catin d’entre elles. 

    Aegarthe, qui avait tout d’abord, refusé sa requête, estimait que si l’information de cette escapade nocturne venait aux oreilles du roi, finirait comme repas aux fauves. La servante s’estimait bien trop jeune pour finir ainsi. Elle avait toute une vie à vivre et se refusait de l’écourter de la sorte. Le roi avait une entière confiance en elle. En retour, il lui avait demandé de veiller sur sa fille au prix de sa vie s’il le fallait.

    Mylédia s’était bien sûr attendue à ce genre de réponse. Elle avait écouté les arguments de sa servante avec une douce patience. Elle se souvint de ce moment délicieux où elle l’avait coupé net dans ses propos. « N’es-tu pas une femme à queues ? Mon père est-il au courant et qu’en pense-t-il ? » Le visage d’Aegarthe avait viré du rouge cramoisi à une extrême pâleur. 

    La convaincre était devenu ensuite un jeu d’enfant. Il lui avait suffi d’évoquer comment les madrys pouvaient infecter une femme par la « Sainte entrée » avec quelques gouttes d’une potion étrange. Les effets de cet acte étaient réputés douloureux et horribles à regarder. On avait entendu dire que la potion brûlait comme de l’acide et rendait toute femme inféconde. Les affreux stigmates laissés par ce breuvage étaient irrémédiables. Elle rendait la poitrine flasque et la peau toute fripée. Autant dire que, sous les effets de cette potion, une jeune jouvencelle se transformait irrémédiablement en une vieille femme, la privant ainsi de tous les privilèges et pouvoirs, que pouvait lui offrir son corps. 

    Aegarthe aimait trop ce que la nature lui avait octroyé et ce qu’elle en faisait pour tout perdre. L’idée de finir comme repas aux fauves était d’une réelle douceur à côté. Elle n’avait pas eu d’autres choix que de lui remettre l’une de ses tenues, la plus délabrée et provocante, avant qu’elle ne parte. 

    Une fois la tenue obtenue, il ne lui restait plus qu’à s’éclipser du château discrètement. Cela n’avait été qu’une simple formalité. Elle avait sagement attendu le retour de son mari et de son père de leur traditionnelle chasse printanière. Ils avaient célébré par la suite leurs exploits lors du souper, buvant coup sur coup et ne se préoccupant guère de leurs épouses. Comme à son habitude, son mari s’était écroulé dans le lit conjugal sans se déchausser « et ronflant comme le véritable roi des porcs ». Elle s’était retrouvée libre d’aller où bon lui semblait. 

    Mylédia avait craint la présence des gardes devant la porte du château, elle les savait trop honorables pour la laisser passer en pleine nuit sans en avertir le roi. « Heureusement que cette petite catin a décidé de m’épauler jusqu’au bout », avait ironisé la princesse. Aegarthe l’avait en effet accompagné pour détourner l’attention de deux autres gardes postés près des marches menant à la ville. Elle s’était trémoussée devant eux et les avait emmenés dans un endroit sombre pour s’amuser avec. 

    Non, le plus dur était maintenant devant elle. Franchir la porte de l’auberge et trouver l’étrangère qui lui avait laissé la mystérieuse missive. Celle-ci avait été déposée sur sa couche, accompagnée d’une délicate fleur de Lys, pendant qu’elle prenait son bain. « Trois servantes qui rôdent autour de moi, et pas une qui n’a pu voir celui ou celle qui a pu pénétrer dans ma chambre ! Vous n’êtes que de vieilles chèvres dont le seul lait que nous pourrions tirer serait déjà caillé dans vos tétines ! Filez ! Je vous congédie ! », avait-elle crié en découvrant cette lettre. 

    Une fois seule et son calme retrouvé, elle s’était allongée la missive à la main. Elle avait détaché le ruban de couleur pourpre qui la maintenait soigneusement enroulée puis elle avait déroulé avec douceur le parchemin. « On dirait du velours », avait-elle songé en glissant ses doigts dessus. D’un coup d’œil soupçonneux, elle avait scruté la lettre pour y découvrir la représentation d'une fleur de Lys « Le symbole des Orzis !», avait-elle clamé sans discrétion. Curieuse, elle s’était laissé tenter par la lecture. 

      

    « Ma Dame, 

      

    Je m’excuse d’ores et déjà pour cette impertinence, mais je dois absolument vous rencontrer. J’ai besoin de vous. Venez seule, après le coucher du soleil, à l’auberge de l’Aigle noir. Je sais qu’il s’agit d’un lieu que vous ne fréquentez guère, mais personne n’aura l’idée de vous y chercher. 

      

    Mes sincères excuses. » 

      

    Mylédia avait d’abord été déçue de ne pas trouver une déclaration d’amour faisant les louanges de sa beauté. Puis, en ayant découvert que la missive n’était ni signée, ni datée, son instinct aventureux prit le dessus. « On a besoin de moi… », avait-elle murmuré. 

    En étudiant la lettre, elle en avait déduit que l’auteur ne pouvait être qu’une dame soigneuse. L’écriture penchée était propre, les courbes harmonieuses. Et puis il y avait cette odeur, légèrement parfumée qui s’en dégageait. « Une femme qui doit prendre sûrement soin d’elle. Il n’y a qu’une façon de le savoir ; franchir cette porte. »

    Elle posa la main sur la poignée. Elle était froide. Son cœur palpitait de plus en plus fort. « Quelle idiotie suis-je en train de commettre ? » Elle ferma les yeux, ses lèvres bougèrent au rythme de sa prière sans émettre de son. Elle attendit encore un court instant, puis elle soupira et enfin appuya sur la poignée. 

    La surprise fut grande. Un nouveau monde venait de s’ouvrir à elle. Une lumière intense et une musique joviale l’accueillirent. Quelques ribaudes gesticulaient devant des ivrognes dans l'espoir de leur soutirer quelques sous avant qu’ils ne s’écroulent ivres morts. Sur sa gauche, des hommes d’apparences douteuses chuchotaient autour d’une table, jetant quelques regards aux alentours. « Ils semblent craindre quelque chose. Ils préparent un complot ? Une embuscade ? Ou bien concluent-ils des affaires suspectes ? », supputa-t-elle. 

    L’un des hommes lui jeta un regard et lui fit comprendre d’un simple geste de la main de retourner à son travail. Elle détourna les yeux. « Ils me prennent pour une catin ! » s’énerva-t-elle au fond d’elle-même. « Reste discrète bougre ! N’attire pas l’attention de ces hommes sur toi ! » 

    Se ressaisissant, elle s’avança jusqu’au comptoir. De là, elle vit un troisième groupe d’hommes. Plus enjoués et bruyants que les précédents. Quelques pièces posées en désordre sur leur table, arrêtant parfois la course de dès qu’ils lançaient à tour de rôle. « Ainsi, les gens de basse naissance en sont arrivés là pour se divertir ? » Aegarthe l’avait avertie qu’elle ne connaissait rien de la ville. Cette remarque lui avait valu une bonne gifle. Mylédia en ressentait à présent un léger remord. Sa servante avait raison. Son monde n’était pas celui du peuple. Elle se sentait perdue et ne savait que faire. « Où vais-je la trouver… encore faut-il que mon intuition ne me fasse pas défaut. » 

    En un regard, elle sut qu’elle ne s’était pas trompée. Au fond de l’auberge, dans un recoin peu éclairé, une femme l’observait sans bouger. Une petite chandelle sur la table lui permettait à peine de la distinguer. Après un instant d’observation, l’étrangère lui fit signe de la rejoindre. 

    A son approche, elle distingua un parchemin soigneusement enroulé, tenu par un ruban de couleur pourpre. Le même que celui déposé sur son lit. L’anxiété la gagna. Elle avait subitement peur. « Peur de quoi ma pauvre. C’est une femme comme toi, tu ne risques rien. » 

      

    - Asseyez-vous, je vous prie, souffla l’étrangère. 

      

    Mylédia fut surprise et bercée par la douceur de cette voix. Une douceur qui l’apaisa et qui chassa inexplicablement sa peur. Elle tira une chaise et s’installa tout en observant l’étrangère. Elle était resplendissante dans sa robe d’une couleur identique à celle du ruban du parchemin. Sa tenue avait le mérite de mettre en valeur ses formes généreuses. Ses longs cheveux bruns lui assombrissaient le visage, accentuant ainsi, ce côté mystérieux qui se dégageait d’elle. En temps normal, Mylédia aurait pris soin et plaisir à scruter chaque détail de l’étrangère. Or, une broche dorée accrochée au creux de son décolleté l’intrigua. Une fleur de lys qui laissait s’échapper une épée, pointe vers le bas. L’insigne des Orzis, elle en était sûre. 

      

    - Ne tremblez pas. Je ne vous veux aucun mal, ma Dame. Bien au contraire. 

      

    La douceur de la voix la berça une fois de plus. Pourtant, elle avait toujours craint et paradoxalement envié les Orzis. On les disait insensibles à la douleur, insensibles à la mort. Ils ôtaient la vie à quiconque apparaissait dans un de leurs contrats et peu importait son rang de noblesse. Mylédia les craignait comme tout individu censé. Bien qu’elle n’en est jamais rencontré, une part d’elle-même ne rêvait que de cela, en devenir une et tuer son satané père. 

    Elle était persuadée que cet ordre avait disparu depuis la dernière guerre. La fleur de lys qui avait accompagné la lettre lui avait mis le doute. Les informations qui soutenaient que « l’Aigle noir » était devenu plus ou moins un quartier général pour les Orzis, l’avaient quasiment convaincu. Mais là, devant elle, se tenait une personne avec l’une de leurs broches. « Comment cela se peut-il ? », s’interrogea-t-elle. 

      

    - Vous êtes … 

    - Ma Dame, reprit l’étrangère, ne cherchez pas à savoir qui je suis, ni d’où je viens. Je ne vous veux aucun mal. Vous êtes même sous ma protection depuis quelque temps déjà. 

      

    Mylédia comprit soudainement la raison de cette facilité à traverser la ville sans le moindre souci, sans la moindre rencontre. Les routes se trouvaient toujours désertes quand les Orzis rôdaient. 

      

    - Que me voulez-vous ?, tenta timidement la princesse. 

    - J’ai besoin que vous transmettiez ce parchemin à votre père, le roi. 

      

    Une telle demande surprenait la jeune femme, puis la déçevait. « Ainsi donc elle n’est même pas intéressée par ma personne. Je ne serai qu’un pion…et qui plus est pour rendre service à mon …père. » Malgré sa déception, que l’étrangère vit sans la relever, elle resta intriguée. Ce genre de tâche, aussi simple, aurait dû être facile et futile pour une Orzi accomplie. Celle-ci était bien parvenue à glisser sa missive dans sa propre chambre, sans que personne ne l’aperçoive. Ni les deux gardes qui veillaient devant sa porte, ni ses trois servantes qui ne faisaient que des allers-retours pendant son bain. 

      

    - Je ne comprends pas. Vous pourriez le lui remettre en personne. 

    - Je le pourrai, il est vrai. En revanche, votre père ne se donnerait pas la peine de le lire si je le lui transmettais en personne. Il risquerait même de saisir l’occasion pour ôter la tête de mon corps. 

      

    Cette image horrifia la princesse. Une telle beauté ne pouvait subir ce genre d’affront. Elle se jura qu’un tel acte n’arriverait pas. « Je vois » furent les seuls mots qu’elle émit en guise de réponse. Elle aurait aimé discuter plus longtemps avec l’étrangère, se divertir en sa compagnie et pourquoi ne pas tenter de partager une amitié afin de découvrir ce qu’elle pouvait cacher comme secret. 

    Or, elle ne put que lui effleurer la main quand elle prit le parchemin. Un contact bref. Elle eut, malgré tout, le temps de sentir un frisson lui traverser le corps. Ce contact lui avait paru si froid et, paradoxalement, si chaud. Elle en fut déstabilisée. A tel point qu’elle ne se rendit pas compte du départ de l’étrangère. 

    Quand elle reprit connaissance, le constat lui fut dur. Rien n’avait changé. Les mêmes catins qui se trémoussaient, les mêmes ivrognes qui bavaient et buvaient, les mêmes joueurs de dés qui se remplissaient les poches ou se voyaient se les faire vider, les mêmes conspirateurs. « Rien sauf son absence… », regretta-t-elle. 

    N’ayant plus grand chose qui la retenait en ces lieux, elle se retira pour retourner dans ses appartements. Un retour aussi facile que l’aller. « A croire que les Orzis ont réussi à refourguer une femme à queues à chaque garde de faction », ironisa la princesse. Au fond, peu lui importait. Cela lui permettrait de rentrer sans être vue. 

    Une fois arrivée dans sa chambre, elle se débarrassa de ses vêtements peu honorables à son goût. Elle se faufila à l'intérieur de son lit où son mari dormait à poings fermés, avec une traînée de salive sur le coin de la bouche. Ne trouvant pas de suite le sommeil, elle prit le parchemin destiné à son père, en retira délicatement le ruban, puis le déroula. 

      

    « Votre Majesté, 

      

    Permettez-moi de vous prendre quelques minutes de votre précieux temps. Je me dois de vous avertir que les informations qui vous ont été transmises sur la dernière guerre sont erronées. Je sais que la plupart de vos scribes, de vos historiens et de vos conseillers ne me connaissent qu’au travers des rumeurs et des dénonciations calomnieuses qui voyagent sur tout le continent. Ils pensent tous que je ne suis qu’une chamane sans scrupule et sans âme. Ils s’imaginent que je ne vis qu’en fourvoyant les pauvres, en volant les honnêtes marchands et en escroquant les nobles. Ma vie ne dépendrait que d’eux et de leurs convictions, cela ferait bien longtemps que je ne serai plus de ce monde. 

    Votre Majesté, votre intelligence et votre sens du discernement vous permettront d’avoir un avis différent du leur. Il faut que vous sachiez que je suis loin d’être la femme décrite par ces jugements et de ces accusations. L’un d’entre eux serait-il capable de vous dire qui je suis réellement ? Ce que j’aime et ce que je fais pour vivre aujourd’hui ? Non, personne ne le pourrait. Demandez-leur et vous constaterez par vous-même si mes dires s’avèrent fondés ou pas. 

    Il est évident que leurs opinions sont aveuglées par la peur du renouveau et par la voix de vos ancêtres. Je suis consciente de prendre un grand risque en me présentant à vous aujourd’hui, par le biais de votre fille. Mais si je me présente, c’est pour que la vérité soit dite. La vérité, bien cachée, sur les évènements qui ont eu lieu, il y a de cela plusieurs années. Que justice soit faite ! 

    Je sais que vous ne souhaitez pas aborder le sujet de la malédiction des Sethiens et tout ce qui s’y raccroche. Ceci étant à proscrire de nos conversations et de nos mémoires depuis votre couronnement et de la rédaction de cette loi qui vous a été insufflée par vos conseillers. Pourtant, en ce jour, j’ose. Il est grand temps de le faire. L’avenir de nos enfants, dont celui de votre fille est en jeu. 

    J’ai voyagé à travers tout le continent pour récolter les meilleurs témoignages. J’ai interrogé et écouté les récits des personnes les plus sages, les plus nobles ou même de certains grands chevaliers qui dorment au sein de vos murs. L’histoire que vous croyez connaître sur les Sethiens n’est basée que sur des «on-dit». Tout est faux ! Vos conseillers vous ont manipulé pour je ne sais quelles raisons ! Si vous en voulez la preuve, lisez tous les parchemins que j’ai rassemblés. Vous comprendrez beaucoup plus de choses sur le monde dans lequel vous vivez. Sur ce monde que vous pensez idyllique. 

    Il y a de fortes chances pour que vous me jetiez dans la fosse des maudits ou que vous m’ôtiez la tête avant même la fin de votre lecture. Mais croyez-moi, je n’ai rien inventé. La malédiction des Sethiens n’est pas une légende, ni un mythe pour faire peur à nos enfants. Les gardiens élémentaires ne sont pas des Dieux issus de notre imaginaire afin de nous rassurer sur l’équilibre du monde. Ils ont tous existé, tout comme Sir Kaëdel LordKurd que tout le monde connaît en tant qu’enfant maudit qui aurait soi-disant bouleversé l’équilibre de notre monde. Vous avez peut-être raison, il l’a fait, oui, mais à quel prix et pour quelle cause ? Le savez-vous au moins ? 

    Votre Majesté, si vous désirez connaître la vérité, descendez vers votre bibliothèque privée. Vous y trouverez un petit coffret en bois de chêne. Un mécanisme codé vous permettra de l’ouvrir. A l’intérieur se trouve tout ce que j’ai découvert. Il va de soit que j’ai pris soin de rassembler et d’ordonner toutes les informations afin de vous faciliter le travail. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne lecture. Si vous désirez obtenir plus de détails, vous ne peinerez pas à me retrouver dans l’auberge de « L’Aigle noir ». 

    Gloire à vous et honneur à nos anciens. 

    Eriane De Sernay, 

    Chamane du Nouveau Monde » 

      

    A la fin de sa lecture, elle laissa échapper le parchemin sur le sol. La fatigue la gagna au fur et à mesure que la température monta en elle. Son corps frémit. Rêves, aventures et fantasmes l’accompagnèrent cette nuit-là. 

    Les premières lueurs de l’aube la tirèrent de son sommeil. Sans perdre un instant, elle se leva, « où est la lettre ? », s’inquiéta t-elle ignorant son époux toujours assommé par la quantité d’alcool absorbée la veille. A peine ses pieds au sol qu’elle sentit la douceur du parchemin sous son  orteil. Elle la récupéra prestement et la rangea dans la partie secrète de sa boite à bijoux. « Il ne faut pas que mon père, ni mon mari ne tombe dessus. » Elle s’habilla ensuite et fila aux cuisines. Elle ingurgita un œuf et deux tranches de pain d’épices. A peine rassasiée, elle s’éclipsa vers la bibliothèque de son père et se mit en quête du coffret décrit dans la lettre. Ce fut une chose assez facile puisque la pièce n’était équipée que de quatre grandes étagères à moitié remplies, d’une chaise, d’une table totalement dépourvue de décoration et de plusieurs piles de livres qui n’attendaient qu'à être rangés. Le coffret qu’elle recherchait se trouvait posé parmi ce bazar. Seul un regard assez attentif aurait pu remarquer sa présence. 

    Piquée par la curiosité, elle se précipita dessus pour en découvrir le fameux mécanisme codé. Elle vit sept molettes crantées dont chacune proposait un lot de six lettres. Elle fit pivoter les molettes une par une pour en découvrir les différentes lettres proposées. Elle constata que la deuxième, la quatrième, la sixième et la septième étaient identiques. « Ce sont les voyelles et le y. » La première molette offrit la série suivante «  M, R, L, V, T et B », la troisième, « L, C, H, S, W et G » et la cinquième « F, D, N, Q, K et P ». 

    « Un mot de sept lettres en somme. Mais lequel ? », s’interrogea-t-elle. Sans indices, autant dire que la tâche semblait impossible. Tout en y réfléchissant, elle constata un petit orifice dans le prolongement des molettes, pas plus gros qu’un doigt. « Un mot codé pratiquement impossible à trouver et une serrure qui exige une clef. Je ne pourrai jamais l’ouvrir… » Obstinée, elle se laissa aller à plusieurs tentatives. Toutes soldées par des échecs, aucun mot existant ne semblait faire l’affaire. 

    « Echouée, si près, ce n’est pas possible. » La princesse courut chercher Aegarthe. Elle voulait transporter sa découverte dans un autre endroit afin de lui laisser le temps d’en trouver le code. En cours de route, elles croisèrent un jeune chevalier qui les salua chaleureusement en ne prononçant que deux mots : « Dame Mylédia ». 

    Ce fut comme un déclic pour la jeune femme. Aussitôt arrivée dans son antichambre, elle expédia Aegarthe réveiller son mari. Ce dernier grogna en constatant l’heure bien avancée. Il prit tout juste le temps d’embrasser sa femme et de s’habiller avant de partir. Elle expédia ensuite sa servante dehors pour être enfin seule. 

    Elle courut s’agenouiller devant le coffret et fit pivoter les molettes les unes après les autres pour afficher le mot : MYLEDIA. Elle attendit. Rien ne se produisit. Elle fut déçue. « Il manque la clef….» Elle posa toute son attention sur ce qui semblait être une serrure. En tout petit, elle vit une inscription « Riosh kish doiz ». 

    Mylédia sourit, car elle reconnut un mot en Syrénéen : « doiz ». Une langue que plus personne n’utilisait. Une chance que pendant sa jeunesse elle était tombée sur un livre de son ancien madrys qui avait pris soin de répertorier une grande liste de mots de cette langue disparue. 

    N’y tenant plus, elle glissa son index gauche. Rien. Elle insista. Une douleur la lança au bout du doigt. La serrure s’était refermée, bloquant son doigt. Elle tenta de le retirer. En vain. Un liquide chaud lui enveloppa l’index. Elle paniqua. 

    Soudain, un clic se fit entendre. La serrure se déverrouilla, libérant son doigt ensanglanté. Le couvercle se leva, dévoilant plusieurs petits ouvrages et parchemins. Elle prit un linge pour recouvrir la blessure de son doigt. Puis elle retourna près du coffret ouvert. «  Tout était orchestré. Ce n’était pas mon père le destinataire. C’était moi. Elle savait qu’en me le faisant croire j’allais m’en saisir. » 

    Sans attendre, elle feuilleta rapidement sa découverte. Elle y découvrit des cartes, des dessins et des textes évoquant des événements dont plus personne n’osait parler. 

    Pour elle, l’aventure commençait...

     

    Chapitre I ===>

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